mardi 28 juillet 2009

Guadalajara, déambulations.

J-1 to 3, J-1-2-3

Où tout commença par un minuit pluvieux, une chambre propre à l’hôtel Sévilla – comme pour me rappeler un peu le vieux continent –, et une nuit réparatrice. Dès le lendemain, crapahutages en centre-ville, le long des allées d’eucalyptus et de citronniers, à la découverte du centre de Guadalajara, Jalisco, Mexico, de cierto.


Ne pas passer pour un gringo. Répondre aux regards par un sourire et un peu de malice. Comprendre ce qui se dit, en oreille au moins latine. Finalement, le Mexique, c’est un peu de Brésil pour la musique aux coins des rues et l’amour sain du drapeau, un peu de Chine pour les senteurs de sale-mais-propre et la chaleur humide, un peu d’Estados Unidos pour les bolo ties et les santiags, un peu d’Espagne pour la gestuelle et le farniente.


Et quelques extravagances bien d'ici, où les files de véhicules insolites ne sont pas rares...


Mais c’est surtout l’accueil du soir de Rocio, amie d’amie, et de ses complices au Chai Café, où j’ai droit à une bière au chili, à des sortes de tacos imbibés, et à un telefono cellular, au bienheureux double emploi pour la belle ! On me raccompagne en voiture. « Streets are not secure at night ». Il est 22h40, je vois mal une paire de moustaches sortir de la pénombre colt au poing, mais j’obtempère. Rocio a des idées de plage, de « place [I] have to see », et me donne de précieux conseils. Elle disparaît à l’angle de Priscilliano Sanchèz, dont j’apprendrai le lendemain qu’il fut Gobernador de Jalisco. Respeto.

Le lendemain, justement, arrive. « ¿Es possible de desayunar? » Le « coctel de frutos » n’est pas un jus, mais une salade de fruits, au melon peu Lalaude, mais aux manzanas bien sucrées. Les œufs « a la mexicana » sont copieux au Café Madrid, et l’expresso peut se targuer de la non-conformité au jus de chaussettes panaméricain. Direction la Plaza Central, qui d’ailleurs doit sans doute avoir un nom. Visite fortuite de la cathédrale, de ses reliques envitrinées attirant les yeux, les doigts et les a.p.n. des pieux et des curieux. Les églises sont légion, au moins on peut se mettre au frais de la pierre. Et pourtant, ma rencontre de l’après-midi m’en dira plus sur la question religieuse, là où mes conclusions furent un peu hâtives.



Plaza de la Revolucion, 15h. Je dois voir le soir-même Daniel, ami d’amie, qui s’est proposé de m’aider sur plusieurs points, après avoir partagé una cerveza. Mais c’est un autre larron qui m’aborde dans un anglais parfait, presque saxon. Salavador, 31 ans, est un bourlingueur. J’en verrai d’autres, mais fait notable, ce garçon est épris d’Allemagne, parle couramment le teuton, et est passionné d’histoire et de culture mexicaine. On discute, mais j’évite de répondre à ses sollicitations outre-rhénanes, ayant fait demi-vœu de troquer l’idiome contre ledit espagnol. Salavador me propose de visiter le Palacio del Governador, et dans chaque salle, il me donne une véritable leçon, à l’intérêt notable pour le profane que je suis. Je me demande au début si l’oiseau n’est pas entrain de me baver quelque canaillerie, ou s’il ne sera quémandeur de quelque piécette, et si je ne ferais pas mieux de le planter là, et d’aller retrouver ceux de la Plaza encore proche – un merle quiscale noir et de petites tourterelles zébrées ont attiré mon attention.


Je choisis de rester, et bien m'en a pris, car deux bonnes heures de promenade à l’apport culturel considérable d’ensuivirent, sur la séparation de l’Eglise et de l’Etat, les styles architecturaux, les grands hommes et principes politiques ayant fait du Mexique le cocktail humain et culturel qu’il sait être aujourd’hui.


Presque digne de « de la démocratie en Amérique », centrale cette fois-ci, je le surnomme de Tocqueville. Il regarde sa montre et part pour donner – ou recevoir – un cours. Je le rappellerai pour le filmer en action.


Ça gueule dans le couloir. Tous les quarts d’heure, j’ai l’impression que Zapata est de retour, que d’autres Plazas de la Revolucion risquent de voir le jour… Fausse alerte, et puis je braverai les bruits pour aller quérir a comer à La Fonda de San Miguel, élégant patio indianisant.

L'œil au Monde

C’est encore frais dans ma mémoire. Malheureusement, je n’ai osé réveiller ni Ixus ni Sony pour l’occasion, pourtant si belle, de prouver qu’un hublot, si ce n’est la vie, peut changer la vue.

L’histoire, bien sûr, démarre au-dessus de l’Europe, où quittant les 12 ternes de « notre » bannière, je m’élevais vers celles, plus brillantes, de notre ciel. Un vol, c’est un compte à rebours autour du Monde, surtout quand la trajectoire se met à nous surprendre. Au lieu de suivre les chemins naïfs d’une règle écolière sur les pages d’un manuel de géo, l’oiseau de fer emprunte soudain un caprice spatial, décrivant une courbe superbe, comme annoncé sur les écrans. Alors j’apprends, penaud, mais feignant pour moi-même de déjà le savoir, que nous allons fendre d’une sabrée la Grande-Bretagne (enfin !), caresser les pieds de l’Islande, zigzaguer entre les glaces d’une vaste terre encore un peu danoise, atteindre bien vite les terres du Labrador, survoler les miroirs des Grands Lacs, dormir un peu, puis parachever le tir par un flirt soudain avec les aridités texanes et leurs doubles plages, le détail oculaire minutieux d’un austère mur de la honte, avant de finir nos fuites par amerrissage sur l’océan de béton, perché en altitude : l’immense Mexico, aux avenues palmées, aux terres rouges suffocant d’un nuage douteux, et aux fracas urbains dévorant le flanc des monts chauves.

Une pensée pour tous ceux qui auraient accompagné mon émoi, aimé comme au premier vol toucher des yeux les nuages, bu les écumes des outremers 11000 mètres plus bas, et dégusté tant les déchirures de la banquise que les froides réponses au blanc du Groenland sur nos cartes.